Travailler dans l’urgence : les régles à appliquer
Comment éviter les pièges?
5 janvier, 2017 par
Travailler dans l’urgence : les régles à appliquer
Pinpoint Conseil, Sid Ahmed DINE

Les techniques pour gérer dans l'urgence

Travailler dans l'urgenceUne réunion de direction à improviser pour le demain, un dossier d’appel d’offres à monter pour la semaine prochaine, un rapport à rendre hier… Dans bien des situations, travailler est devenu une course contre le temps. Et ce n’est pas toujours dû à une charge de travail croissante mais au besoin que tout aille plus vite. Pour faire face à ces coups d’accélérateur, tant physiquement que psychologiquement, et obtenir le meilleur de ses équipes, il faut garder la tête froide. Les bons réflexes.

Reconnaître les vraies urgences

Accélération de l’information, réduction du temps de travail, pression du court terme… les causes sont multiples mais la constatation reste la même pour les professionnels : les délais pour chaque tâche ne cessent de se raccourcir. Pourtant, entre une situation de crise qui menace la vie de l’entreprise et les ultimatums irréalistes d’une hiérarchie qui a besoin de se rassurer, il y a tout un éventail de cas qu’il convient d’examiner avant de se jeter tête la première dans l’action.

Comme dans les services d’urgence à l’hôpital, il faut mettre en place une démarche de triage. On se posera dès lors une série de questions : quel est le niveau de priorité de cette tâche par rapport à d’autres que j’ai à faire ? Va-t-elle nécessiter des ressources qui peuvent faire défaut à d’autres ? L’équipe des managers doit être très claire sur la hiérarchie des priorités de l’entreprise. Ce n’est pas parce que le dossier X occupe tout votre temps et votre esprit qu’il peut justifier la mobilisation d’un autre collaborateur en urgence. Il faut toujours prendre en compte la place de ce projet dans la stratégie de l’entreprise.

Souvent, le caractère urgent d’une tâche est donné par votre chef. Ce n’est pas une raison pour ne pas passer par l’étape du triage. Il est naturel qu’il n’ait pas conscience de toutes vos contraintes. Si vous estimez que cette nouvelle tâche viendra perturber une autre plus importante, il ne faut pas hésiter à le lui dire. Il pourra alors en toute connaissance de cause décider ce qui est vraiment le plus urgent. Parfois, cette notion d’urgence est émise par le manager uniquement parce qu’il est inquiet. Il faut alors lui parler, le rassurer sur le fait que la tâche sera réalisée mais qu’il doit vous laisser gérer votre temps.

Garder son sang-froid

La décision est tombée : vous devez répondre à un appel d’offres pour la semaine prochaine, préparer une présentation d’une heure pour le lendemain matin, régler le problème d’un client furieux dans l’heure. Il s’agit d’abord de ne pas paniquer. Il est bon d’avoir appris à connaître ses réactions au stress. Face à l’urgence, certains sont sujets à la cataplexie : ils deviennent incapables d’agir, de décider voire de bouger. D’autres basculent au contraire dans une agitation stérile mais qui les rassure. Gérer l’urgence, c’est donc avant tout maîtriser les effets pervers de son stress.

Il ne faut pas hésiter à prendre du recul quelques secondes ou quelques minutes et avoir recours à la métaposition.  Cela consiste à se regarder avec les yeux d’une personne extérieure à la scène. Une démarche qui permet de se rassurer et de sortir de l’émotionnel pour retrouver une réflexion rationnelle. Pratiquer une respiration abdominale permet également de reprendre le contrôle de soi. Elle peut s’acquérir par la pratique d’activités telles que le yoga, les arts martiaux ou le chant.

Maîtriser son stress ne veut pas dire l’éliminer. Au contraire, il peut être bénéfique.Dans une situation à risque, c’est de ne pas avoir peur qui est inquiétant car cela signifie que l’on n’a pas conscience des dangers. De même, des émotions a priori négatives comme la frustration peuvent être d’excellents mobilisateurs. Tout est une question de dosage : la peur ne doit pas, sous l’effet du stress, devenir angoisse, ni la frustration se transformer en colère.

Rester maître du temps

Dans une situation d’urgence, le stress est généré par le manque de temps. Outre les techniques classiques de gestion du stress, il faut donc travailler directement sur cette perception du temps. Il faut commencer par accepter qu’il puisse ne pas être une contrainte. C’est seulement un paramètre parmi d’autres.

Concrètement, on ne partira pas convaincu que les délais sont impossibles à tenir, de même que l’on ne se retranchera pas derrière l’excuse du temps pour justifier une contre-performance. Et pour tenir les délais, il faut parfois - en bonne intelligence avec son N+1 - savoir rabaisser ses exigences sur le rendu. N’oublions pas que le stress est souvent lié à des contraintes que l’on s’impose soi-même.

Durant la phase de pression, la maîtrise du temps est stratégique. Cela commence par un bon rétroplanning . “Un chef de projet doit donner une vision claire des échéances aux membres de l’équipe pour qu’ils aient tous la même notion du temps et qu’ils ne travaillent pas chacun à leur rythme. Un bon exercice pour apprendre à rester maître du temps est la chute libre : “pendant le saut, le temps équivaut à la hauteur. Perdre son contrôle, c’est risquer de ne pas ouvrir le parachute à temps.”

Créer de bonnes conditions de travail

Pour faire face à une urgence, il faut s’être mis dans les meilleures conditions de travail. Il s’agit déjà d’avoir auparavant bien géré son temps : attendre le dernier moment pour effectuer une tâche peut être source d’efficacité car on utilise le facteur stress pour être plus présent, plus actif. Mais si une vraie urgence arrive à ce moment-là, on ne peut plus faire face.

L’urgence impose un rythme de travail auquel le corps n’est pas obligatoirement habitué : il faut parfois veiller tard, se lever tôt, travailler le week-end. Pour faire face, prendre café sur café ne suffira pas : il faut avoir une bonne hygiène de vie. C’est-à-dire faire régulièrement du sport pour reprendre contact avec son corps, manger sain et dormir suffisamment. C’est la condition pour conserver ses capacités intellectuelles et de concentration sur la durée. Savoir se ménager des pauses durant la phase sous pression est également conseillé.

Enfin, travailler dans l’urgence demande de savoir résister psychologiquement. Le projet ne se déroule pas comme vous le vouliez ? De nouveaux obstacles apparaissent ? Vous avez l’impression de ne pas avancer ou de ne pas trouver les bonnes solutions ? Pour faire face à la sensation de découragement et d’échec, il faut recourir à la  méthode de “l’avocat de l’ange”. On sort mentalement du cadre et on dresse la liste de ce qui est positif dans la situation. Bref, on fait taire “la voix du diable”. Pour garder confiance, il est également bon de s’appuyer sur des process bien rodés. Tous les professionnels qui évoluent en situation d’urgence suivent des entraînements visant à leur faire acquérir des réflexes : les pilotes de ligne en cas d’avarie de matériel, les policiers en cas de prise d’otages, les urgentistes face à un afflux massif de victimes par exemple.

Apprendre à décider dans l’urgence

Pour un manager, travailler dans l’urgence, c’est aussi savoir trancher rapidement entre plusieurs options. Et les écueils sont nombreux. Difficile de prendre du recul quand on a le couteau sous la gorge. C’est pourtant ce qu’il faut s’efforcer de faire, grâce aux techniques de développement du sang-froid. Ne pas avoir beaucoup de temps pour se décider ne veut pas dire qu’il faut se précipiter. Le risque est de ne pas vérifier les informations qui nous parviennent. Sous prétexte que l’on manque de temps, on intègre comme paramètres dans ses décisions, des informations fausses, dépassées ou interprétées par la personne qui nous les a transmises.

Face à la peur de se tromper, on peut également être tenté de ne pas prendre de décisions. On s’expose alors au risque de voir émerger un leader alternatif, un autre manager, voire un membre de sa propre équipe. Une situation qui peut menacer le projet car elle remet en cause la hiérarchie établie et crée la confusion. Inversement, dans une situation où les rôles sont mal répartis, le risque est grand que tout le monde veuille prendre des décisions… ce qui devient problématique si elles sont contradictoires. Enfin, il faut faire attention à l’effet ‘Group think’ qui consiste à choisir la solution qui a obtenu l’unanimité parmi le groupe, même si elle n’est pas la meilleure, suivant le principe : ‘Nous faisons une erreur mais tout le monde est d’accord’.” Pour bien décider en situation d’urgence, il faut donc, plus que jamais, écouter les autres au maximum puis se fier à soi-même.

Maintenir une saine communication

Sous l’effet de la pression, les relations interpersonnelles peuvent vite dégénérer en conflit. Pour préserver le groupe, il est essentiel de maîtriser la communication.

Et c’est avant tout le rôle du manager. Celui-ci doit en premier lieu se surveiller lui-même et apprendre à ne pas transmettre de stress : le manager doit servir de filtre entre la hiérarchie et le personnel opérationnel, au risque sinon de voir les moins résistants à la pression perdre toute efficacité. Il doit se montrer exemplaire. S’il se sent stressé, il ne doit pas le laisser paraître. C’est vrai dans son discours mais également dans sa communication non-verbale. Un chef qui explique que la situation est sous contrôle et qui passe son temps à se ronger fébrilement les ongles derrière son bureau sera bien peu rassurant.

Lorsqu’il donne des ordres à un collaborateur, le manager doit veiller à ne rien cacher, même si la situation est grave. Il doit également prendre le temps d’écouter le retour de son interlocuteur pour montrer qu’il considère son point de vue. Il ne doit pas partir sur un mode autoritaire. Ainsi, le collaborateur sera à la fois sensibilisé à l’urgence et responsabilisé. Pas d’autoritarisme ne veut pas pour autant dire absence d’autorité : le leadership risquerait sinon de lui échapper. Enfin, il ne doit pas perdre sa confiance dans les autres, ce qui n’est pas aisé sous l’emprise du stress”, met en garde le consultant. Et continuer de déléguer sans passer son temps à tout contrôler.

Gérer les lendemains

Ça y est : le dossier est rendu, le problème du client réglé, la réponse à l’appel d’offres envoyée. Il s’agit de ne pas laisser lettre morte cet épisode d’urgence et de réaliser un débriefing. Il faut pouvoir parler de ce qui s’est passé, de préférence dans un contexte informel pour donner aux gens l’envie d’échanger. L’idée est d’identifier les problèmes qui se sont présentés : défauts dans l’organisation, manque de coordination ou d’anticipation, comportements trop agressifs de certains sont autant de points à aborder. Si l’on a des griefs sur une personne en particulier, on préfèrera toutefois un échange en tête à tête avec son manager.

Il ne faut pas oublier de se débriefer soi-même. Ai-je gardé mon sang-froid ? Quand me suis-je senti le plus vulnérable ? Quelle a été ma première réaction ? Comment les autres m’ont-ils perçu ? Comment me suis-je sorti des contretemps ? Si cette expérience s’est révélée plutôt négative, c’est peut-être parce qu’une routine trop grande s’est installée dans votre travail et vous empêche de faire face aux aléas. Il faut alors développer votre adaptabilité et varier ses méthodes de travail. Demander régulièrement de nouvelles tâches à son manager peut aider.

Inversement, aimer travailler en situation d’urgence présente de vrais avantages mais également quelques inconvénients dont il est bon d’avoir conscience. Il faut ainsi rester vigilant à ne pas créer soi-même les urgences. Outre que ce sont des situations fatigantes pour le corps, elles peuvent être problématiques lorsqu’on doit travailler en équipe. Dans les phases d’urgence, on a l’impression que l’on existe vraiment, que notre travail a un sens, . Mais cette valorisation ne doit pas être une justification du recours à l’urgence.

Les réflexes à éviter

Suivre le tempo impulsé par les nouvelles technologies

Vous êtes concentré sur votre reporting du mois quand une fenêtre de votre messagerie électronique vous annonce la réception d’un e-mail de votre direction. Serein, vous vous dites que vous traiterez la question une fois votre travail terminé. Mis à part qu’entre-temps, une conversation écrite s’engage entre différents destinataires de l’e-mail. Vous n’avez plus le choix, vous devez régler cela tout de suite. Ce qui est vrai avec l’e-mail l’est tout autant avec le téléphone. Et cela peut devenir envahissant quand votre smartphone vous suit jusque chez vous. Face à cette accélération de la communication, savoir trier ce qui est urgent de ce qui ne l’est pas et expliquer cela à son manager est d’autant plus essentiel.

Confondre urgence et précipitation

C’est une chose de devoir travailler rapidement, cela en est une autre d’accomplir ses tâches le plus vite possible. Le temps n’est qu’un paramètre parmi d’autres.Pour prendre une décision par exemple, on raccourcira les délais de validation, on accélérera la remontée d’information mais on ne négligera pas l’étude des différents scénarios. Il faut lutter contre le souhait de montrer que l’on sait décider vite. Pour être bien vu en interne, mieux vaut une bonne décision qui a demandé un peu de temps qu’une mauvaise prise rapidement.

Sortir de son périmètre

Pour qu’une équipe soit efficace en situation de crise, chacun doit avoir une connaissance précise de ce qui fait partie de son rôle et s’y tenir, sauf ordre contraire de la hiérarchie. Au risque sinon de s’essouffler dans une série de petites tâches que, dans la précipitation, on fera toutes mal. Cela ne veut pas dire qu’il faut écarter toute prise d’initiative : en l’absence d’un décideur, le N-1 doit savoir prendre la relève et décréter les mesures qui s’imposent.

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